Le lundi 9 mars dernier, à Rouen, s’est ouvert un procès peu commun : celui d’un neurologue poursuivi par sa patiente. Accro aux jeux d’argent, la plaignante accuse son médecin traitant d’être responsable de son addiction. Celui-ci lui aurait en effet prescrit un traitement dont la prise à dose élevée aurait entraînée sa dépendance aux jeux et sa descente aux enfers.

Un traitement aux effets secondaires peu habituels

Les faits à l’origine de cette surprenante affaire judiciaire peuvent paraître assez anodins. En effet, alors qu’elle souffre du « syndrome des jambes sans repos » (trouble neurologique entraînant des mouvements incontrôlés des membres inférieurs pendant les moments d’inactivité), une jeune femme rouennaise commence à se faire suivre par un neurologue en 2008. Ce dernier lui prescrit alors un traitement au Sifrol. Mais le médicament ne soulage pas longtemps la patiente, et quelques mois plus tard, elle se présente à nouveau chez son médecin. Le spécialiste lui prescrit alors une dose plus importante du même médicament. C’est à partir de ce moment qu’aurait commencé le calvaire de la jeune femme. En effet, l’augmentation de la dose de Sifrol va vraisemblablement être suivie d’un effet secondaire aux conséquences désastreuses : une addiction aux jeux.

Une vie quasi brisée

Quelques temps après avoir entamé son nouveau traitement, la patiente commence à en subir les effets indésirables. Au cours des mois qui vont suivre, elle va en effet développer une réelle et forte addiction aux jeux d’argent. Une envie irrésistible de parier la tient et elle devient une inconditionnelle des casinos. S’enfonçant chaque jour un peu plus, elle s’endette et va jusqu’à voler de l’argent à ses proches ainsi qu’à son employeur. En quelques mois, la jeune femme cumule des dettes à hauteur de 184 000 euros et semble perdre toute notion des graves conséquences de ses actes.

En janvier 2011, au fond du gouffre, elle fait une première tentative de suicide, puis récidive quelques jours plus tard. Ce calvaire s’achève finalement en février 2011, après que le neurologue mis en cause ait décidé de l’arrêt du traitement. La dépendance disparaît juste deux semaines plus tard, mais les dégâts sont déjà énormes. Totalement ruinée, la malade intente alors un procès à son médecin traitant qui, selon elle, aurait dû clairement lui faire part des effets secondaires très particuliers liés à la prise d’une dose élevée de Sifrol.

Faute professionnelle ou simple manque de communication ?

Pour la plaignante, ses proches et pour l’avocat qui les représente, le neurologue est responsable de toute cette affaire. Rien de tout cela ne serait arrivé si le praticien avait, dès le départ, informé sa patiente des risques d’un tel traitement. Ce n’est en effet qu’en janvier 2011, après la première tentative de suicide de sa patiente, que celui-ci lui aurait fait part de potentiels risques de dépendance aux jeux d’argent liés à la prise d’une forte dose de Sifrol.

Pour la partie civile, ce gros manquement est à l’origine de tous les déboires de la patiente. Prévu pour durer trois semaines, le procès devra statuer sur ce cas quelque peu exceptionnel afin de fixer les réelles responsabilités du praticien mis en cause dans cette affaire.